asphyxie planétaire

Publié le par TT

Selon l’OMM,les gaz à effet de serre ont atteint de nouveau en 2021 des concentrations records après une accalmie en 2020 due à la pandémie. Du constat d'un excès de dioxyde de carbone dans l'atmosphère aux objectifs des états pour une neutralité carbone, en passant par l'après Covid-19, un article qui décrit les enjeux sur les 20 prochaines années.

Le dernier rapport

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1) Le dioxyde de carbone

Entre 2012 et 2013, le taux d’accroissement du dioxyde de carbone atmosphérique a été le plus important depuis 1984. Les conséquences de cette dégradation pourraient être désastreuses pour la planète. Pour tenter d’y remédier, il faut s’attaquer aux causes.

Quels sont les principaux gaz à effet de serre ?
Le premier gaz à effet de serre est la vapeur d’eau, le second le dioxyde de carbone. Si l’eau (vapeur et nuages) représente plus des deux-tiers de l’effet de serre « naturel », l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle du 19ème siècle est induite par les émissions d’autres gaz à effet de serre provoquées par notre activité, à commencer par le dioxyde de carbone (CO2). Leur durée de vie dans l’atmosphère peut varier énormément.

a) dioxyde de carbone (CO2) :  l’accumulation du dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère contribue pour 2/3 de l’augmentation de l’effet de serre induite par les activités humaines (combustion de gaz, de pétrole, déforestation). C’est pourquoi on mesure usuellement l’effet des autres gaz à effet de serre en équivalent CO2 (eq. CO2). Les émissions de CO2 actuelles auront un impact sur les concentrations dans l’atmosphère et sur la température du globe pendant des dizaines d’années, car sa durée de vie dans l’atmosphère est de l’ordre de la centaine d’années.
b) le méthane (CH4) : les élevages des ruminants, les rizières inondées, les décharges d’ordures et les exploitations pétrolières et gazières constituent les principales sources de méthane induites par les activités humaines. La durée de vie du méthane dans l’atmosphère est de l’ordre de 12 ans.
c) le protoxyde d’azote (N2O) provient des engrais azotés et de certains procédés chimiques. Sa durée de vie est de l’ordre de 120 ans.
d) l’hexafluorure de soufre a une durée de vie de 50 000 ans dans l’atmosphère.

pour ce qui est de la répartition de ces différents gaz à effet de serre, lire "effet de serre et réchauffement climatique'

asphyxie planétaire


2) L’homme, premier responsable

a) déforestation, énergies fossiles,élevage intensif

Si une grande partie des gaz à effet de serre sont d’origine naturelle (la vapeur d’eau étant le plus important et le moins nocif), les plus dangereux résultent de l’activité humaine. Et de la combustion de combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) venue surtout des transports et de la production d’électricité.
Depuis 1880, les rejets de ces gaz ont été multipliés par soixante. Au total, plus de 1 100 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’atmosphère. La déforestation galopante est aussi à pointer du doigt. Le CO2 émis par les arbres brûlés étant trop important pour être absorbé par ceux qui restent debout. Lire " Amazonie, émissions et absorption de CO2"
L’élevage intensif est quant à lui responsable de 18 % des émissions, avant tout du méthane (CH4). Légèrement moins nocif pour la planète que le CO2, sa concentration s’est accrue de 260 % par rapport au niveau préindustriel.
Mais le rapport de l’OMM met en exergue une nouvelle cause expliquant la concentration très importante de gaz à effet de serre en 2017. Selon elle, les quantités de dioxyde de carbone absorbées par la terre elle-même (notamment par les plantes), environ un quart des émissions, ne seraient plus aussi grandes qu’avant. Un constat qui, s’il se confirme, pourrait être «lourd de conséquences».

b) Le niveau des océans versus la neutralité carbone

Nous estimons le niveau d'élévation moyen des mers entre 0,7 et 1,2m si l'on maintient zéro émissions nettes de gaz à effet de serre jusqu'en 2300," expliquent la plupart des auteurs scientifiques de la planète.
Il s'agit bien de ne plus émettre de gaz à effet de serre, pas seulement de maintenir la température au-dessous des 2 degrés. "La stabilisation de la température au-dessous des 2°C est insuffisante pour maintenir le niveau moyen d'élévation des mers jusqu'en 2300 au-dessous d'1m50," affirment les chercheurs. "Le niveau des mers continuera à monter jusqu'à 2300 et au-delà même pour des scénarios qui atteignent les zéro émission de gaz à effet de serre dans la seconde moitié du 21ème siècle."
Ce qui fera la différence ? La date à laquelle on parviendra à la neutralité carbone sur l'ensemble du globe. Là, on ne se projette plus dans un avenir lointain mais dans les toutes prochaines années.
La réduction des émissions dans les vingt années qui viennent aura une influence déterminante.
Plus on retardera la réduction des émissions non seulement de gaz carbonique mais de l'ensemble des gaz à effet de serre et plus les prévisions de montée des eaux à long terme seront importantes. Dans le meilleur des cas, on resterait au-dessous du mètre en 2300, ce qui est également bon signe pour des dates antérieures. Mais les auteurs de l'étude préviennent : on verra un accroissement de 20 centimètres pour chaque délai de cinq années dans la réduction des émissions après 2020.

Voir l'article : Augmentation du niveau des mers


3) Réchauffement et acidité

La première conséquence de cette concentration record reste le réchauffement climatique. Les spécialistes prévoient une augmentation globale pouvant aller de 1 à 6° C au cours de ce siècle, ce qui entraînerait une augmentation du niveau de la mer de plusieurs dizaines de centimètres et des événements climatiques (inondations, sécheresses, tempêtes…) plus intenses et récurrents.
L’homme pourrait aussi être le premier à en subir les conséquences avec la multiplication des maladies liées à la pollution : affections respiratoires, cancers des poumons, etc. A plus long terme, les océans, qui absorbent aujourd’hui un quart des émissions de gaz à effet de serre, devraient aussi devenir plus acides, menaçant la survie de milliers d’espèces.
Pour inverser la tendance, ou tout du moins la ralentir, la communauté internationale doit enclencher une décroissance des émissions de gaz à effet de serre autour de 2020. Un objectif qui semble irréalisable aujourd’hui.

Voir autre article sur ce sujet : Effet de serre et réchauffement climatique


4) Un point les émissions mondiales de CO2

Le CO2 provient principalement des émissions des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz). Il est également issu de certains procédés industriels, de la déforestation et l'agriculture intensive.
Le CO2 est également émis par l'activité naturelle de notre planète : éruptions volcaniques, respiration des plantes et des animaux.

a) Emissions mondiales de CO2 en milliards de tonnes de carbone

Un kg de CO2 vaut 0,2727 kg d\'équivalent carbone et 3,67 kg de CO2 vaut 1 kg de carbone.

Emissions mondiales de CO2 en mds de tonnes de carbone
Années CO2 total

CO2 comb.

fossiles et industrie

CO2 provenant

de la nature (forêts, animaux, autres)

1970 19.82 14.84 4.98
1980 23.78 19.38 4.4
1990 27.7 22.72 4.98
2000 30.02 25.14 5.06
2005 34.62 29.42 5.20
2010 38.47 33.12 5.35
2015 41.44 35.21 6.23
2016 40.93 35.21 5.72
2017 41.26 35.69 5.57
2018 42.1 36.42 5.68
2019 43.06 36.46 6.6
2020 39.94 34.1 5.86
2021 41.8 36.3 5.5
2022 41.9 36.8 5.1
2023 41.5 37.4 4.1
b) Emissions de Co2 d'origine fossiles - commentaires

Les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie ont progressé de 1,1 % en 2023 pour atteindre un niveau record, en raison notamment de la faible production hydroélectrique causée par les sécheresses et de la croissance chinoise.
Les chiffres de 2023 ne vont donc pas dans le bon sens, alors que les émissions de gaz à effet de serre, tous secteurs confondus, doivent chuter de 43 % d’ici 2030 par rapport à 2019 pour espérer tenir la limite de 1,5 °C, fixée par l’accord de Paris, selon le Giec. Ces émissions mondiales doivent aussi atteindre un pic d’ici à 2025.
Mais l’AIE(Agence Internationale de l'énergie) tient à souligner l’apport important des énergies «propres», dont les renouvelables. «La transition vers les énergies propres se poursuit rapidement et freine les émissions - même avec une demande énergétique mondiale augmentant plus rapidement en 2023 qu’en 2022», souligne ainsi le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol. Les émissions de CO2 avaient augmenté de 490 millions de tonnes en 2022, soit plus qu’en 2023 avec une demande énergétique moins forte.

c) Emissions de Co2 d'origine naturelles - commentaires

Alors que les émissions de CO2 d'origine fossile continuent d'augmenter, les émissions nettes dues au changement d'affectation des terres (telles que la déforestation), après déduction de l'effet des puits de carbone, notamment joué par les forêts, semble en baisse. Toutefois, les estimations des émissions dues au changement d'affectation des terres sont très incertaines et moins précises que celles des émissions dues aux énergies fossiles.
Selon notre estimation préliminaire, les émissions nettes dues au changement d'affectation des terres s'élèvent à 4,1 milliards de tonnes de CO2 en 2023. Ces émissions font suite à une baisse légère mais relativement incertaine au cours des deux dernières décennies.
La tendance à la baisse est liée à la diminution de la déforestation et à une légère augmentation de la reforestation. Les plus gros émetteurs sont le Brésil, l'Indonésie et la République démocratique du Congo. Ces trois pays contribuent à 55 % des émissions mondiales nettes de CO2 dues au changement d'affectation des terres.

Emissions de CO2 provenant de la nature

  2023 2020 2015 2010 2005
Brésil 0.9 1.0 1.25 1.35 2.0
Indonésie 0.8 0.78 1.5 0.6 0.7
RD du Congo 0.5 0.5 0.6 0.6 0.25

 

d) Pays d'Europe qui émettent le plus de CO2 (en millions de T)
Pays

Emissions CO2 en

M. de tonnes -

2013

Emissions

par habitant

en 2018

Emissions

CO2 2018

Russie 1766,40 10.64 1540
Allemagne 767,10 8.7 720
Royaume Uni 415,40 5.43 360
Turquie 353,20 4,7 380
Italie 337,60 5,3 320
France 323,70 4.56 310
Pologne 298,10 7,96 310
Ukraine 249,10 5,5  
Espagne 241,60 5,45 250
Pays Bas 158,10 9,4  
Rep.Tchèque 111,7 10,4  
Belgique 97,20 8,7  
Roumanie 78,30 3,6  
Grèce 71,10 6,4  

La France a émis en 2017 310 MT de CO2 alors que la Chine en a émis 9260. ( 30 fois plus).
L'Europe des 27  avoisine les 5000 MT de CO2

pays 2013 2018
Chine 10330 9528
Etats-Unis 5300 5145
Union Européenne   3479
Inde 2070 2479
Russie 1766 1551
Japon 1360 1148
Corée du sud   698
Iran 410 646
Arabie saoudite   571

Février 2020, suite aux déclarations d'E.Macron, d’ici 2023, le plafond des émissions de gaz à effet de serre ne devait pas dépasser 398 millions de tonnes de CO2 par an. Le gouvernement s’autorise désormais 422 millions de tonnes : un dépassement de 24 millions de tonnes, l’équivalent des émissions d’un pays comme le Sri Lanka. Pour, Anne Brigault, responsable transition énergétique au réseau action climat, la France ne se donne pas les moyens de ses ambitions . Voir plus

e) Les activités emetrices de CO2 dans le monde
activités % activité %
Electricité et chauffage 30% Tps sur route 15%
Fabrication et construction 12% agriculture 12%
forêts 6% batiments 6%
émissions fugitives 6% industrie 5%
déchets 3% autres carburants 3%
Tps aérien et maritime 3%    

 


5) Les engagements: la neutralité carbone

Dans la dernière réunion à l'ONU sur le climat, malheureusement seuls 66 pays ont adhéré à l'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. 68 pays se sont engagés à revoir leurs plans climat à la hausse d'ici à 2020.
La neutralité carbone à l'intérieur d'un périmètre donné, est un état d'équilibre à atteindre entre les émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine et leur retrait de l'atmosphère par l'homme ou de son fait. La différence entre les gaz émis et extraits étant alors égale à zéro, la neutralité carbone est également désignée par l’expression zéro émissions nettes.
Avant que l’accord de Paris sur le climat de 2015 n'y fasse référence, le concept de neutralité carbone a été largement utilisé par des acteurs non étatiques pour désigner l'objectif de leurs démarches de compensation carbone. La compensation carbone consiste à contrebalancer ses propres émissions de CO2 par le financement de projets de réduction d'autres émissions ou de retrait de CO2 de l'atmosphère quand il n'est pas possible de réduire ses propres émissions ou qu'il est plus économique de procéder à une réduction équivalente ailleurs.
La France, tout en s'adaptant au dérèglement climatique, doit doubler ses puits de carbone (forêts, sols) ...ce qui implique de convertir l’agriculture à l’agroécologie) tout en diminuant de 4% par an les émissions du pays (alors qu’elle ne les a réduit que de 0 ,5% par an depuis 20 ans). Selon ce rapport le véhicule tout-thermique doit disparaitre bien avant 2050, et la rénovation énergétique des bâtiments être obligatoire.

Quels sont les puits de carbone ? pour en savoir plus


6) L'urgence climatique et l'après Covid-19

a) Le rappel

Dans le rapport de l'ONU, du 26 novembre 2019, sur le climat, on lisait les mises en garde suivantes :
Si le monde remet encore à plus tard les actions immédiates et radicales nécessaires pour réduire les émissions de CO2, la catastrophe climatique ne pourra pas être évitée. Pour garder un espoir de limiter le réchauffement à 1.5°C, il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 7.6% par an de 2020 à 2030.. Soit un total de 55% de baisse entre 2018 et 2030.
Tout retard, au delà de 2020, rendrait rapidement l'objectif de 1.5°C hors de portée.
Le monde a déjà gagné environ 1°C depuis l'ère préindustrielle, entrainant une multiplication de catastrophes climatiques. Et chaque demi-degré supplémentaire va aggraver la situation. Les signataires de l'accord de Paris doivent multiplier leurs ambitions par trois pour atteindre cet objectif, des engagements suivis d'actions immédiates.

b) Le Covid-19, le confinement et les émissions de CO2

Comme signalé au chapitre 4 ci dessus, les émissions de CO2 ont nettement baissé, une chute de 8% en rapport aux émissions de 2019.
Pourquoi ces baisses spectaculaires ? Elles sont directement liées à la réduction drastique des activités industrielles fortement dépendantes du charbon et du pétrole. De même, le coup de frein donné à la mobilité des personnes, en particulier liée au trafic aérien mondial (un secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre), semble entraîner mécaniquement une baisse des émissions de CO2.

c) Après la crise pandémique, comment stabiliser l'émission de CO2 ?

La baisse des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique constatée récemment ne s’est produite que parce qu’une grande partie des activités humaines sont à l’arrêt forcé, dans des conditions dramatiques et avec des conséquences sociales et économiques très lourdes. Le Covid-19 représente un danger pour l’humanité et la planète.
Pour réduire durablement les émissions de CO2, c’est le fonctionnement économique de nos sociétés, basé sur des activités polluantes et creusant les inégalités, qu’il faut revoir. Une transformation est possible mais elle ne viendra pas de la crise sanitaire en elle-même : il faudra un plan de relance inédit qui prenne pleinement en compte l’urgence climatique, environnementale et sociale.
Mais les industries les plus polluantes, à l’instar du secteur aérien, s’activent déjà pour bénéficier des efforts de relance, obtenir de nouvelles dérégulations, enterrer les normes environnementales et sociales, au prétexte de retrouver une croissance économique en réalité fondée sur des activités toxiques et sources d’inégalités.
On peut donc effectivement craindre un rebond des émissions de CO2 si le plan de relance vise à retrouver une croissance à n’importe quel prix et à revenir finalement au modèle néolibéral en place depuis des décennies.
Lire "le PIB ou la croissance à tout prix"

Lire aussi : "Coronavirus, récession ou décroissance à programmer "


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