Wahhabisme et salafisme

Publié le par TT

L'islam sunnite est la religion officielle du royaume d'Arabie saoudite, le berceau de l'islam. La forme dominante de l'islam sunnite en Arabie saoudite est le wahhabisme. À la différence du salafisme, cette pratique de l'islam conservatrice est très présente dans le pays. Environ 40 % des saoudiens se considèrent comme wahhabites.
Cet article nous décrit la montée du wahhabisme en Arabie saoudite et comment celui-ci reste bien ancré dans les rouages du pouvoir.


1) Les princes Saoud et le wahhabisme

a) Le wahhabisme, une "secte dangereuse".

Il y a 15000 princes en Arabie saoudite. Chacun d'eux reçoit 19000 euros par mois. Le pays n'est pas une démocratie. Les princes veillent au bien matériel du peuple.
Les princes Saoud n'ont jamais eu besoin de "montrer les muscles" car ils ont mis en place un système unique au monde: les princes partagent le pouvoir avec un ordre religieux radical, les wahhabites.
Quand l'occident s'allie avec les Saoud, c'est avec le wahhabisme qu'il s'allie.
Un courant de l'Islam que le monde musulman a rejeté dès sa naissance au 18ème siècle. Pour toutes les autres écoles de l'Islam, je les cite, c'est une "secte dangereuse".
Née durant la seconde moitié du XVIIIe siècle en Arabie centrale, cette théocratie s’appuie sur une lecture littéraliste du Coran et une doctrine rigoriste et messianique pour légitimer ses prétentions hégémoniques : le wahhabisme, avatar du hanbalisme, école juridique et théologique du sunnisme. Son fondateur, Mohammed Ibn Abd Al-Wahhab (1703- 1792), affirme que la seule manière de réussir ici-bas et dans l’au-delà réside dans l’observation stricte d’une pensée et d’une pratique conformes à la doctrine hanbalite. Tous ceux qui n’adhèrent pas à ce dogme, notamment les mouvements mystiques soufis, sont exclus de la communauté

b) Un arrêt au projet de conquête des wahhabites en 1932.

A la fin de la 1ère guerre mondiale,en 1918,  les britanniques sont devenus la principale puissance coloniale de la région. Mais ce morceau de désert ne les intéressait pas, il n'y avait pas de pétrole.
A partir de 1918 et jusqu'en 1930, les Wahhabites peuvent alors s'étendre et vont même s'emparer entres autres de la Mecque le 14 octobre 1924.
Comme le domaine du wahhabisme s'était élargi sous Ibn Saoud en zones chiites (Al-Hassa, conquis en 1913) et sunnites de diverses obédiences (Hedjaz, conquis entre 1924 et 1925), les wahhabites pressaient pour la conversion forcée des chiites et l'éradication de (ce qu'ils voyaient comme de) l'idolâtrie.
Comme les autres musulmans du pays ne partageaient pas les convictions des wahhabites, ces derniers lancent un djihad contre eux, qui considèrent qu'ils sont les seuls musulmans.
Mais le chef du clan, Iben Saoud, perd le contrôle de ses guerriers fanatiques qui s'attaquent à des territoires occupés par les britanniques. Iben Saoud doit les écraser et arrêter le djihad. 
C'est à ce prix que l'Arabie saoudite autonome peut voir le jour en 1932. Abdelaziz ibn Saoud avait trahi le projet de conquête des wahhabites..

chiites et sunnites

Les chiites sont essentiellement en Iran et Irak (12% des musulmans). Les sunnites dans tous les autres pays musulmans (87%), Arabie saoudite, Maghreb, Afrique sub saharienne.

 

c) Un état religieux dominé par les oulémas wahhabistes

L’indéfectible alliance entre les dépositaires du wahhabisme d’une part, et le monarque saoudien d’autre part, n’empêche pas ce dernier de faire preuve de lucidité quant à la nature de la tradition qu’il prône et à son incompatibilité structurelle avec son nouveau statut de protecteur des lieux saints de l’islam, de chef de l’un des rares pays musulmans indépendants. Pour éviter toute forme de crise, il se lance dans une double opération : rendre le wahhabisme plus respectable (et donc plus acceptable) tout en essayant de le « diluer » dans un courant politico-religieux plus modéré et surtout plus moderniste, le réformisme islamique.
Cette tentative de remodelage du wahhabisme n’a pas affaibli les clercs saoudiens, elle a au contraire montré leur grande capacité d’adaptation. Les oulémas ont non seulement redoré le blason de leur tradition, notamment en monopolisant le terme de « salafisme » mais se sont aussi appropriés certaines idées et la plupart des projets réformistes pour défendre leur vision du monde. En échange de concessions dans les domaines de l’enseignement, de l’administration et de « mises à jour doctrinales » concernant le djihad et les relations avec les non-musulmans, les clercs saoudiens conservent une position de centralité dans l’espace social. Et cette éthique de responsabilité va permettre au wahhabisme de surmonter les crises, d’asseoir localement sa domination et de laisser grandir ses ambitions universelles à partir du règne de Fayçal (1964-1975).

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2) Le wahhabisme dans la société saoudienne

a) Les princes Saoud confient la gestion de la société aux oulémas

Les Saoud vont confier la gestion de la société aux oulémas, l'éducation, la justice, les médias seront aux mains des religieux.
5 fois par jour, lors de l'appel à la prière, les commerçants sont obligés de tirer le rideau. L'ordre wahhabite s'impose à tous les citoyens du pays.
La Loi et la charia, les punitions prescrites dans le Coran, sont appliquées à la lettre : mains tranchées, exécutions au sabre et parfois encore en place publique.
Mais derrière les apparences d'une société ultra religieuse, l'enjeu pour le pouvoir est de contrôler la population.
Abdelaziz Al Fawzan est l'ouléma Wahhabite très respecté en Arabie Saoudite.
Les wahhabites appliquent l'Islam comme au temps du prophète Mahomet, au 7ème siècle. Pour eux, l'Islam est une longue liste de règles à appliquer.

b) Un régime autoritaire

Les partis politiques y sont interdits, le peuple n'a pas voix au chapitre. Tant que la famille royale redistribue les immenses richesses au pays, le système tient.
C'est un régime autoritaire mais il n'a pas besoin d'avoir recours aux techniques brutales d'un régime en Irak sous Saddam Hussein ou de celui de Syrie sous Bachar El-assad.
L'état est très puissant, il a de très bon services de police et de renseignement.
Tous les téléphones sont sur écoute en Arabie saoudite . Mais on ne ressent pas une oppression policière permanente.
Par contre si le gouvernement pense que vous êtes un élément subversif, que vous êtes engagés dans des intérêts qui vont à l'encontre de la monarchie, vous risquez d'être emprisonné.
Dans les restaurants et les magasins, les espaces sont strictement séparés. Les femmes et les familles d'un coté, les hommes célibataires de l'autre. La police religieuse maintient la société sous pression. C'est une police des moeurs.
La plupart des interactions entre saoudiens se font séparément, les hommes entres eux et les femmes entre elles. Tout autre configuration est proscrite.
Il n'y a pas de cinéma, pas d'endroit ou les gens peuvent se rassembler.
Les wahhabites veulent purifier l'Islam de ces sectes, des innovations, et des mensonges que de faux prêcheurs ont proclamé. Les sectes qu'ils soient chiites, soufi, malikites, et tous les autres courants de l'Islam.
L'Arabie saoudite a mis en oeuvre ce type de société sous le regard bienveillant des occidentaux.


3) Un contrôle sans faille des wahhabites

a) Etendre le wahhabisme dans le monde

L'Arabie saoudite va créer la ligue islamiste mondiale. Sous son autorité des centaines d'organisations caricatives vont entrer en action dans le monde musulman.
Les occidentaux ne trouvent que des avantages, pour eux celà permettra de contrer l'influence de Nasser.
Mais la machine qui se met en place, et qui prospère grâce aux revenus du pétrole, sert surtout les intérêts des religieux saoudiens. Elle leur permet de diffuser le wahhabisme, la version saoudienne du salafisme.

b) Un contrôle de milliers de mosquées

L'Arabie saoudite finance la construction, la rénovation et les frais de fonctionnement de milliers de mosquées partout dans le monde, là ou l'argent manque pour financer les mosquées, là ou les musulmans sont minoritaires.
En Europe, la plupart des pays ne prennent pas en charge le financement du culte musulman.
En 1975, elle a repris le contrôle de la plus grande mosquée de Belgique et injecté des millions de dollars dans cette mosquée, avec l'ambition de créer un centre d'études islamique et de prière au coeur de la capitale de l'Europe.
Est ce que celà a un lien au fait que 40 ans plus tard les quartiers de Bruxelles ont des ghettos djihadistes. oui car tout cet argent a contribué à créer un environnement dans lequel une forme intolérante de l'islam est devenue très forte pas seulement dans le monde musulman mais aussi dans la diaspora musulmane

c) Même la Mecque est contrôlée par les wahhabites

2 millions de pèlerins se rendent à la Mecque chaque année. Aujourd'hui seul le wahhabisme peut y être prêché. Dans la grande mosquée, tous les bâtiments dévolus aux autres courants de l'Islam ont été détruits. La maison du prophète et ses compagnons ont aussi été détruites.
Au fil des ans, plus de 90% des bâtiments historiques ont disparu.
Pour les Wahhabites, il ne faut adorer que Dieu. Ni les hommes, ni les statues ne doivent être vénérés.
Les musulmans n'ont jamais protesté de ce qui se passe à la Mecque. Les saoudiens sont responsables des plus hauts lieux de l'islam durant ces 50 dernières années. et il n'y a pas eu une seule manifestation.

d) Un événement changera le rapport de force entre le wahhabisme et les Saouds

Le 20 novembre 1979, une centaine d'hommes armés prennent en otage des croyants dans la grande mosquée de la Mecque. Incapable de mater les rebelles, le pouvoir chancelle et appelle à l'aide. Les Saouds appellent la France et le GIGN va intervenir.
A l'époque, le GIGN était la seule unité au monde dédiée au terrorisme.
La prise d'otage avait duré 18 jours. Les rebelles étaient des saoudiens de pure tradition wahhabite. Pour eux la famille royale a corrompu la société, elle a trahi les préceptes du wahhabisme.
Tous les rebelles seront exécutés mais l'Arabie saoudite a entendu leurs messages : les cinémas seront fermés, les publicités occidentales seront interdites, les mannequins de femmes dans les magasins seront retirés, l'emprise de la police religieuse est renforcée.


4) Les branches de l'Islam - le salafisme

a) Les branches de l'Islam

Les sunnites et les chiites constituent les deux principaux sous groupes de l'Islam.
Ils diffèrent cependant. Ce sont plus des distinctions politiques que spirituelles.
Le sunnisme est la branche la plus importante (85% des musulmans)  et la plus orthodoxe de l'Islam.
Etymologiquement, sunnite veut dire "celui qui suit la tradition du prophète".
Les chiites contestent la direction de l'Islam aux sunnites depuis la mort de Mahomet en 632 ap JC.

Dans les branches sunnites et chiites, il y a des ramifications voire des sectes religieuses. Parmi les plus connues, le wahhabisme chez les sunnites et les druzes chez les chiites.

SUNNISME : 4 écoles juridiques, 87 à 90 % des musulmans, soit 1,4 milliard d’individus.

Hanafite: la plus ancienne, Moyen-Orient, Asie centrale.
Malikite : Afrique noire et Maghreb
Chafiite : Proche-Orient, Afrique et en Arabie orientales, Asie du Sud-Est
Hanbalite, ou wahhabite : la plus conservatrice, Arabie saoudite et Qatar

CHIISME : 3 courants, 10 à 13 % des musulmans, soit 162 à 211 millions d’individus.

Duodécimain : la branche la plus répandue (Iran, Irak, Liban), reconnaît 12 imams.
Ismaélien : Asie centrale (Tadjikistan, Pakistan), reconnaît 7 imams.
Zaydiste : Yémen, reconnaît 5 imams.

IBADISME : 0,8% des musulmans, soit 3 millions d'individus, principalement à Oman.

France, quels musulmans, quel Islam

Sunnisme et Chiisme

 

b) Les attentats de 2015 en France

En janvier 2015, lors des attentats de Charlie Hebdo, les terroristes se revendiquent tous du salafisme.
Pourtant la France ne va pas prendre ses distances avec L'Arabie saoudite. 5 mois après les attentats, François Hollande se rend dans ce pays. Il est l'invité d'honneur du conseil du golfe. Aucun dirigeant occidental n'y avait été reçu depuis.
1 an plus tard, le président décore le prince héritier saoudien de la légion d'honneur. C'est un scandale en France.
Le lien entre l'Arabie Saoudite et le terrorisme questionne plus que jamais.

La plupart des salafistes sont piétistes et ne se mêlent pas de politique. D'ailleurs l'AS dément absolument avoir soutenu quelques actions terroristes.
En revanche les salafistes sont intolérants, envers les autres musulmans, les chiites et les soufis. Mais intolérant ne veux pas dire violent.

c) 3 types de salafisme

La principale divergence entre les deux écoles porte sur le thème de l'Etat islamique: le wahhabisme se satisfait d'un dirigeant local - un roi, par exemple - s'il respecte et fait respecter la charia, tandis que le salafisme souhaite revenir au califat pour l'ensemble des croyants.

De nos jours, lorsque le terme « salafisme » est utilisé sans qualificatif, il est compris comme désignant le « salafisme contemporain » qui est un mouvement d'inspiration néo-fondamentaliste lui-même divisé en trois courants :

  • le « salafisme quiétiste », aussi connu comme « salafisme prédicatif », « salafisme littéraliste » ou « salafisme cheikhiste », qui prône l'éducation et la purification de la communauté par la pédagogie et l'enseignement religieux ;
  • le « salafisme politique », « salafisme réformiste » ou « salafisme activiste » , organisé en mouvements politiques ;
  • le « salafisme djihadiste » ou « salafisme révolutionnaire » qui prône, lui, une action armée pour imposer l'islam purifié des origines. On retrouve dans cette mouvance des groupes terroristes tels qu'Al-Qaïda ou l'État islamique.

Ce mouvement protéiforme est ainsi caractérisé par des polémiques internes et des disputes théologiques, chacune de ces tendances entretenant un rapport particulier aux sociétés européennes et musulmanes ainsi qu'aux façons de parvenir à l'établissement de l’État islamique.
Sur 6 millions de musulmans en France, on compte environ 40 000 salafistes (0.6%) dont 10000 seraient plus virulents et surveillés par les services de renseignements.

Différence entre sunnites,chiites, salafistes,wahhabites


5) La montée en puissance de l'Etat Islamique en Arabie saoudite

2013 correspond à la montée en puissance de l'état islamique,une sorte de revirement encore plus conservateur du royaume saoudien. L'emprisonnement d'intellectuels, de militants, l'exécution d'islamistes, le discours anti chiite.
Le bloggeur Raef Badaoui est condamné de 1000 coups de fouets et 10 ans de prison pour blasphème.
Dans le royaume, celui qui ne croit pas en Dieu est condamné pour terrorisme.
Le royaume sait que la population est très sensible à la propagande de l'état islamique, mais il est impossible de savoir combien ils sont.
C'est la raison pour laquelle, l'Arabie Saoudite, décide de continuer les travaux initiés en 2006 pour construire une grande muraille.
Composée de cinq épaisseur, la "grande muraille" saoudienne vise à empêcher l'Etat islamique, dont l'objectif est l'érection d'un califat dans la région, de se lancer à la conquête de l'Arabie saoudite, qui abrite les lieux saints de La Mecque et Médine.
Ce projet de "muraille" n'est pas le seul mené par l'Arabie Saoudite puisqu'une autre barrière est en cours de construction, depuis 2003, sur les 1.800 km de frontières avec.le Yémen. La construction la barrière de sable, haute de trois mètres et équipée de systèmes de détection électronique, avait été interrompue en 2004 à la suite de protestations du gouvernement du Yémen, mais a repris après la révolution de 2011, qui a laissé le pays déchiré, en proie aux djihadistes d'Al-Qaïda au Yémen.

 
la muraille en Arabie saoudite
la muraille en Arabie saoudite

 

 

 

 

 

Les oulema défendront toujours le pouvoir des Saoud. Les oulema saoudiens incitent la population à obéir aveuglément aux gouvernants quelque soit leurs comportement.


6) Un nouveau chef de gouvernement depuis 2017

Héritier du trône, le prince Mohammed Ben Salman entend réformer le royaume saoudien de manière profonde et sur tous les plans. Ses promesses de s’attaquer aux causes de l’extrémisme ne sont pas forcément synonymes d’une « déwahhabisation » du pays. Soutien et caution religieuse de la monarchie, les dignitaires wahhabites ont toujours su s’adapter aux précédentes tentatives de contrôle.
la fulgurante ascension du prince Mohammed Ben Salman ouvre une nouvelle page de l’histoire saoudienne. En multipliant les actions et déclarations fracassantes, particulièrement après sa désignation au rang de prince héritier en juin 2017, le nouvel homme fort de Riyad donne à voir son ambition : reconfigurer le champ social saoudien en vue de monopoliser le pouvoir. Cela passe par la volonté de contrôler étroitement les domaines politique, économique et diplomatique. Mais, pour réaliser ses rêves absolutistes, il doit également contrôler la plus importante ressource (symbolique) du royaume : la religion
L’appel en faveur d’un islam modéré, l’autorisation de conduire pour les femmes, l’organisation de concerts et la réouverture prochaine des cinémas ont été largement interprétés comme des signes traduisant un projet inédit, voire révolutionnaire : la « déwahhabisation » de la société et du régime. Au-delà de l’effet d’annonce, il importe de jeter un coup d’œil aux variables historiques et sociologiques qui pourraient hypothéquer la concrétisation du projet prêté au prince héritier.


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